lundi 22 décembre 2014

Dick Bruna, un univers rassurant

Qui n’ a jamais aperçu ce petit lapin blanc à la bouille ronde, incroyablement kawaï comme disent les japonais ? Le phénomène Miffy a envahi le monde, le personnage s’est imposé comme une icône, symbole de l’enfance, de l’innocence, de la mignonnerie,.. Alors que son créateur Dick Bruna vient d’annoncer qu’il prenait sa retraite à l’âge de 87 ans, après 60 ans de carrière et presque autant de lapins, j’avais envie de revenir sur la création de ce petit personnage tellement emblématique, et sur le parcours de celui qui l’a mis au monde.





 Dick Bruna est né en 1927 à Utrecht dans une famille bourgeoise très cultivée. Son père comme son grand-père et son arrière grand-père avant lui est éditeur. L’affaire est dans la famille depuis longtemps et le destin de Dick semble déjà tout tracé. Il vit une enfance heureuse bercée par la chanson française que sa mère écoute à longueur de journée. Encore enfant, il fréquente les écrivains invités dans la maison familiale par son père éditeur. L’atmosphère est propice à la création. Adolescent, il dessine et écrit beaucoup. Il veut être artiste, ce que son père ne voit pas d’un très bon oeil. C’est paradoxalement la guerre qui lui donnera la liberté de créer, son père est obligé se cacher pour échapper au travail obligatoire, Dick reste seul avec sa mère et son frère et peut se laisser aller à sa passion. Il écrit un roman illustré « Japie » qui ne sera jamais publié, mais qui laisse entrevoir sa future ambition. Mais son père est décidé à faire de lui son successeur, il l’envoie en stage à Londres, puis à Paris auprès de libraires, d’imprimeurs et d’éditeurs pour qu’il se forme aux métiers du livre. Son séjour à Paris agit comme un déclencheur, il se frotte enfin à cette culture qu’il admire tant. Il hante les musées et les galeries, il croise de grands peintres. De retour aux Pays-Bas, son père voit bien qu’il n’a pas en lui l’étoffe d’un chef d’entreprise, il l’envoie suivre les leçons du peintre Jos Rovers, mais le style impressionniste du professeur ne convient pas à Dick, lui veut expérimenter la couleur à la manière d’un Léger, il veut s’inscrire dans la modernité.





Tombé amoureux de la culture française, il passe tous ses étés dans le sud de la France. Il y découvre la chapelle du Rosaire à Vence. Il y vit une véritable épiphanie. Il est bouleversé par la travail de Matisse, il est fasciné par sa recherche de la simplicité et par son travail sur la couleur. Matisse restera l’influence majeure de son oeuvre. A cette époque, il s’en inspire largement, il réalise des collages muraux avec des éléments marins qui rappellent sans aucune doute les fameuses algues de Matisse.

Il veut devenir peintre et décide de s’installer dans le Sud de la France pour être au plus près de ses sources d’inspiration. Mais l’amour en décidera autrement. C’est dans le quartier de ses parents qu’il croise Irène pour la première fois, il en tombe éperdument amoureux. Il renonce à ses projets de déménagement pour épouser sa dulcinée. Mais le père d’Irène n’a pas l’intention de marier sa fille à un artiste. Dick fait alors ce qu’il a toujours refusé de faire, il rentre dans le rang, et accepte un poste de designer dans l’entreprise de son père.
Un choix qu’il ne regrettera pas puisqu’il va y découvrir ses talents de graphiste. Il imposera une véritable identité visuelle aux éditions Bruna en réalisant des centaines de couvertures, d’affiches, de logos. Ce qui l’amènera finalement à éditer ses propres livres.

C’est Dick Bruna qui a créé les visuels et les logos pour les Zwarte Beertjes, une collection de livres de poche qui envahira les Pays-Bas dès 1954. Cette collection dans laquelle étaient publiés les polars de Simenon, mais aussi les comics des Peanuts, deviendra l’emblème de la lecture en Hollande. Les affiches créées par Dick Bruna pour la collection étaient visibles dans toutes les gares, dans les écoles, les lieux publics. La mascotte de la collection qui a perduré jusqu’à aujourd’hui, est un petit ours noir aux yeux rouges toujours accompagné d’un livre. Ses affiches étaient vraiment modernes pour l’époque, il jouissait d’une totale liberté dans son travail et pouvait tout essayer. Ainsi sur l’une de ses affiches, on voit l’ours noir en gros plan sur un fonds noir, un livre bleu à la main. Du coup, ses yeux et son livre seulement se découpent sur le fonds noir et donne une impression de confort et de bien-être. Quand on lit, tout ce qui nous entoure disparaît. A cette époque il maquettera aussi de nombreuses couvertures pour la collection, celles des romans de Simenon sur lesquelles on retrouve systématiquement une pipe découpée en papier découpé, il joue avec collages, photos, etc… Ses couvertures rappellent le travail de l’américain Saul Bass (affichiste des films d’Hitchcock notamment). On retrouve le même genre de compositions et la même efficacité graphique.

 
En 1953, Dick Bruna publie ses deux premiers livres pour enfants. « De Appel » et « Toto in Volendam ». Réalisés en papiers découpés,imprimés tout en couleur ses deux petits albums apparaissent comme les coups d’essai de Dick Bruna. Ceci dit, on y trouve déjà ce qui caractérisera le style de Dick, l’absence de perspective, les couleurs primaires appliquées en aplat et la recherche de simplicité autant dans les formes que dans le texte.
Le personnage de Miffy, Njintje en néerlandais, apparait pour la première fois en 1955. Elle n’a alors pas du tout la même forme qu’aujourd’hui, sa tête est plutôt ovale. Tout son corps semble plus mou. Mais l’idée du lapin blanc est bien là.




Son père n’y croit pas vraiment et laisse son fils faire joujou. Les premiers tirages sont de 2500 exemplaires et le succès n’est vraiment pas au rendez-vous. L’éditeur n’a aucune expérience dans le livre jeunesse et n’en fait pas la promotion.
Mais ses premiers albums se distinguent très clairement de la production de l’époque. La plupart des livres pour enfants parus juste après-guerre sont en noir et blanc, ou au mieux, on y introduit une couleur toutes les deux pages. les seuls albums tout en couleurs sont ceux qui viennent des Etats-Unis, la collection des Petits Livres d’or, notamment, qui connaîtra un énorme succès en Europe.
En 1955, il devient directeur adjoint du groupe familial. Il décide de créer une collection de petits formats carrés pour la publication des livres pour enfants. Il pense que le format carré convient mieux aux plus petits, ça lui paraît plus maniable. Les illustrations seront dès lors imprimées sur la page de droite, le texte sur la page de gauche, ce principe perdurera jusqu’à aujourd’hui.
En 1959, il publie 4 titres en format carré, il reprend son premier livre « De appel » qu’il redessine, au trait cette fois.
En 1963, Miffy réapparaît, dans sa forme presque définitive, sa tête s’est considérablement arrondie, , elle s’est aussi agrandie, ce qui lui donne un air nettement plus sympathique. D’ailleurs dans ce premier album Miffy s’endort car sa tête est trop lourde à porter. Avec peu, Dick Bruna parvient à donner vie à son lapin, on peut lire des émotions en observant l’inclinaison des oreilles, la position des yeux, la forme de la croix qui lui sert de bouche.


Même si graphiquement Miffy paraît révolutionnaire pour l’époque, ses histoires s’inscrivent dans la tradition, et dans un certain classicisme. Ce qui leur a souvent valu le qualificatif de niaises. Miffy est une enfant sage, assez dépendante de ses parents. Ce n’est pas non plus un modèle d’émancipation de la femme, puisqu’il faudra attendre 2004 pour que Miffy lâche sa robe pour enfiler un pantalon.
Néanmoins elle a évolué, parallèlement à son évolution graphique (ses oreilles se sont arrondies, ses yeux se sont rapprochés, sa tête s’est encore agrandie) Miffy est devenue plus indépendante, Dick Bruna a osé aborder d’autres thèmes, comme la mort ou l’absence.
En 1979, Miffy qui est blanche comme neige, croise un lapin brun, couleur chocolat. Dick Bruna voulait que les enfants de couleur puissent aussi s’identifier à leur héroïne. Il crée le personnage de Nina.
Plutôt réfractaire au changement, Dick Bruna agrandira tout de même le cercle de ses personnages, en créant Snuffie, le chien, ou Betje Big, le cochon. Il dessinera aussi des enfants, des objets, en élargissant ses histoires à des imagiers ou des livres à compter. Mais il restera toujours fidèle au système qu’il a mis en place. Un système précis, et extrêmement codé.


On l’observe d’abord avec l’utilisation des couleurs, il a défini une palette de couleurs, primaires pour la plupart qu’il appliquera selon un code strict. Par exemple : Pour représenter l’extérieur, il combine toujours le vert et le bleu Alors que pour la maison c’est toujours le rouge et le jaune, qui donne une impression de chaleur. Le lapin blanc, apparaît toujours sur un fonds de couleur, sauf à quelques exceptions près, où Miffy est dessinée sur du blanc, pour souligner l’aspect dramatique de l’histoire (ex ; quand elle est à l’hôpital). Il ne modifiera jamais sa palette.
Sa technique est restée la même pendant plus de 50 ans. Il dessine d’abord des croquis au crayon sur des feuilles de calque. Ensuite il dessine le trait au propre sur des feuilles de plastique transparent. Il applique ensuite les couleurs en découpant dans de grandes feuilles préalablement peintes à la gouache. Avec ses papiers découpés, il remplit le vide. Et le tour est joué. L’arrivée de l’informatique ne l’a pas fait faire un pas de côté, il a continué à dessiner et à découper ses papiers à la main.

Les livres n’ont pas bougé non plus en 60 ans, le format carré, la maquette sont restés les mêmes que dans les années 50. La typo n’a jamais changé. Ca tient au fait que Dick Bruna envisage le livre comme un tout, texte/image/objet sont inextricablement liés. Ce qui explique aussi qu’à ses images simples réponde un texte simple et le plus souvent descriptif. On lui a souvent reproché le côté simplet et répétitif de son écriture, mais c’est bien une volonté de sa part. Son but étant de se faire comprendre par les plus petits. Il n’y a jamais de second degré, jamais de références que seuls les adultes pourraient comprendre. Et malgré les critiques, c’est sans doute ce qui a fait son succès auprès des enfants. Dick Bruna essaie d'installer un univers qui rassure pour les petits, ses livres ont valeur de "doudou". D'ailleurs pour l'auteur lui-même Miffy est une réminiscence du lapin en peluche qu'il a cajolé enfant.

Il veut avant tout que l’enfant reconnaisse instantanément ce qu’il dessine. En cela, ses dessins se rapprochent des pictogrammes. Il faut qu’en un clin d’oeil on reconnaisse le lapin, le cochon ou la fleur.. Cette obsession lui vient aussi de son travail de graphiste et d’affichiste, ce besoin d’immédiateté et d’efficacité.



Et c’est vrai qu’en cela il a réussi son défi, car d’un seul coup d’oeil on peut reconnaître du Dick Bruna. A son niveau, il a vraiment créé une oeuvre. Plus de 100 livres pour enfants sont parus dans la collection carrée. Ses livres ont été traduits dans au moins 50 langues et se sont vendus à plus de 90 millions d’exemplaires à travers le monde. Adulée au Japon, Miffy est devenue un produit de merchandising. On a des peluches, des tasses, des vêtements, des comédies musicales autour du lapin. Devenue icône, elle en a inspiré d’autres comme Musty ou Hello Kitty.
Miffy  a maintenant pris sa retraite a plus de 60 ans...

samedi 4 octobre 2014

Un monde à nous, un peu magique...



Nous vous avons déjà parlé en juillet du livre de John Burningham "Préférerais-tu?", un classique paru en 1978 dans lequel le lecteur est invité à faire son choix parmi des situations loufoques, rigolotes ou abominables! Voici, dans le même esprit, "Un monde rien qu'à toi", édité par Phaidon, une invitation à créer et dessiner un monde revisité par notre imaginaire. Magasin de chaussures pour super héros, chambres en hauteur pour invité-girafe, musée de cabanes dans les arbres...: "Un monde rien qu'à toi" est un livre ouvert à chacun, il donne mille idées de rêveries, de jeux, de bricolages, de peintures... Pour en savoir plus sur son auteure, Laura Carlin, nous sommes allés visiter son blog et on n'a qu'une chose à dire : woaw!




lundi 29 septembre 2014

Passer sa vie en pyjama...


Quel bonheur de retrouver le duo Veillé/Martin, cette-fois publié par l'Ecole des Loisirs.
On avait déjà flashé sur "Le bureau des papas perdus" paru l'an dernier chez Actes Sud. On avait beaucoup aimé, le ton, entre nonsense et réalisme, le tout dans un décor seventies aux couleurs psychédéliques.

Eric Veillé et Pauline Martin reviennent avec un nouvel album à l'humour décalé "Ma vie en Pyjama"paru cette rentrée à l'Ecole des Loisirs. Changement de crèmerie donc...On a l'impression que l'Ecole des Loisirs cherche à renouveler son image en publiant de nouveaux auteurs, et c'est une bonne chose. La relève semble assurée avec des auteurs tels qu'Adrien Albert, et le duo Veillé/Martin.


"Ma vie en pyjama" raconte l'histoire d'un petit garçon, qui un matin décide qu'il en a marre de s'habiller, et qu'il compte bien passer le reste de sa vie en pyjama. Ses parents qui ont autre chose à faire, laissent faire dans un premier temps, et là c'est l'escalade, les revendications de l'enfant deviennent de plus en plus folles. Il passera sa vie en pyjama à la maison, en mangeant des chips et des bonbons, sans jamais se coucher. Mais au plus on avance dans l'album et dans l'absurde de sa situation, au plus le petit garçon grandit, jusqu'à prendre toute la place dans la maison. Comme ses parents n'ont plus de place, ils sont obligés de partir en voyage. "Mais au bout d'un moment, les chips ont perdu leur goût, la maison est devenue trop petite pour moi et je commençais vraiment à m'ennuyer." Il se rend alors à l'école histoire de changer d'air, mais en arrivant là-bas la maîtresse lui rétorque qu'elle n'accepte pas les enfants de huit mètres en pyjama. Là c'est la crise, les parents réaparaissent à bord d'un canoé et ramènent leur fils à la maison. Tout se termine bien, sur cette phrase "Bon j'ai bien réfléchi. J'ai décidé que je passerais le reste de ma vie ne pyjama, mais seulement la nuit!".


Quelle fantaisie, quel humour, quelle originalité! Et jamais Eric Veillé n'utilise un ton moralisateur, après tout, l'enfant doit faire ses expériences par lui-même.



"Ma vie en pyjama" est un album drôle, avec un brin d'impertinence, ce qu'on adore dans les albums jeunesse. Il fera rire les enfants aux éclats et fera certainement sourire les adultes, car qui n'a jamais rêvé de passer sa vie en pyjama....




samedi 27 septembre 2014

Bill Peet, un auteur méconnu

Bill Peet est né en 1915 à Grandview, un petit village perdu en Indiana. Il raconte que son premier souvenir n’est pas celui de sa famille mais bel et bien l’image des deux cochons que sa grand-mère élevait dans leur ferme de Grandview. Son père est mobilisé peu de temps après sa naissance, sa mère, enseignante trouve un travail en ville, et tout ce petit monde déménage à Indianapolis. Son père ne fut jamais envoyé au front, lorsque la guerre s’achève en 1918, il est toujours dans un camp d’entraînement du Kentucky. Mais après avoir quitté l’armée, il s’évapore, il ne donnera d’ailleurs pas de nouvelles à sa famille avant des années. Enfant, Bill Peet est déjà un passionné de dessin. Il n’est pas très assidu à l’école, il préfère de loin s’adonner à sa passion, et il dessine pendant les cours, sur tout ce qui lui tombe sous la main. Il aime particulièrement illustrer les marges de ses manuels scolaires, qui deviennent des bestsellers à chaque rentrée, ses camarades s’arrachant ses raretés parmi tous les autres manuels d’occasion.


L’hiver il se retire pour dessiner, alors que l’été est le moment de toutes les escapades dans la nature. Il s’intéresse beaucoup aux animaux, et se met à rêver à l’Afrique et à tous les animaux sauvages qu’il pourrait observer. Il pense tenir une chance le jour où il voit une petite annonce dans le journal « Cherche un taxidermiste pour safari en Afrique » et un peu plus bas « Devenez taxidermiste- revenus garantis ». Il décide de s’inscrire à cette fameuse formation, mais déchante lorsqu’il reçoit la note de 200 dollars pour les leçons.
En 1928, son père réapparait, fauché et désespéré, il n’a pas vraiment l’intention de rester, et essaie simplement d’extorquer de l’argent à sa femme pour une de ses nouvelles combines. Elle finit par céder pour s’en débarrasser. C’est à cette période difficile que Bill Peet doit commencer l’école secondaire. Les temps sont durs chez lui et il ne se permet plus de penser à une carrière artistique. Il essaie d’assurer ses arrières et ceux de sa famille en choisissant des options sérieuses, mais après une première année désastreuse où il rate dans tous les cours, il rejoint la filière artistique dans laquelle il peut enfin faire parler son talent. Ses bonnes notes lui permettent de continuer sa formation dans une école d’art d’Indianapolis. Lors de son premier cours, il se surprend à observer une jeune femme au premier rang. Plutôt maladroit avec les filles, il met des semaines à l’approcher, mais après ils ne se quitteront plus et il l’épousera quelques années plus tard.


Il peint énormément à cette époque-là, il rêve de devenir un grand artiste. En quête de reconnaissance, il soumet plusieurs de ses tableaux à une foire régionale, il reçoit le premier prix pour son portrait de son oncle Eli. Il peint surtout des scènes de vie à la campagne. Grand fan de cirque, il fera de nombreuses peintures d’après nature, mais il préfère dessiner les coulisses, plutôt que ce qui ses passe sous les feux de la rampe. Il a un certain goût pour le sordide, le monstrueux, difficile a croire pour quelqu’un qui va travailler dans le monde enchanté de Disney.
Impatient d’épouser sa Margaret, il arrête l’Ecole d’Art, et s’installe comme peintre. Il trouve des petits boulots par ci par là dans la publicité, mais très vite, il se rend compte que ce n’est pas assez pour faire vivre une famille. Un peu par hasard il tombe sur une brochure des Studios Disney. Il n’a jamais été attiré par l’animation, mais il a besoin d’argent, il envoie donc son dossier, sans trop y croire. Entretemps, il est engagé dans une compagnie qui produit des cartes de voeux. Le boulot est des plus ennuyeux, il passe ses journées à colorier les dessins d’autres designers. Après plusieurs mois à mettre en couleurs des fleurs, des oursons et d’autres mièvreries, il craque et démissionne. Le timing est parfait puisqu’il est invité à faire des essais par les Studios Disney. La route est longue depuis Indianapolis, et il ne sait pas comment rejoindre Los Angeles alors qu’il n’a pas un sou. C’est un ami de Margaret en visite dans la région qui propose de l’emmener, à condition qu’il conduise sa part. Bill Peet, accepte, un peu inquiet, car il n’a jamais vraiment conduit de voiture. Il arrive finalement à bon port, et commence la formation chez Disney. Après un mois à dessiner Mickey, Goofy et cie, il ne reste plus que 3 personnes sur les 15 sélectionnées au départ. Bill Peet en fait partie. Il est engagé comme « In-betweener » sur les dessins animés de Donald Duck, il travaille à l’annexe. Sa tâche consiste à faire les centaines de dessins intermédiaires pour les animateurs chevronnés. Il espère que son travail va vite évoluer, puisqu’a cette époque, Disney travaille sur son premier long métrage « Blanche Neige et les sept nains ». Hollywwod prédit un flop, les gens ne resteront jamais assis plus d’une heure à regarder un dessin animé. Mais le succès sera au rendez-vous. Bill Peet fait venir Margaret de l’Indiana et l’épouse quelques jours après la première de Blanche Neige, sur qu’il aura du boulot pour longtemps.

 Mais dessiner des canards à la chaîne l’épuise, il a l’impression de faire le travail d’un robot. Il soumet alors des croquis à l’équipe qui travaille sur Pinocchio. C’est comme ça qu’il finira par traverser la rue pour aller travailler dans le bâtiment principal des Studios. Il dessine des storyboard sous la houlette d’un scénariste. Bill Peet travaillera deux ans sur ce film, il fera un nombre incroyable de storyboards, mais aussi le design de certains personnages. Il sera terriblement déçu le jour de la première projection, son nom n’apparaissant pas au générique.

 Pas découragé pour autant, il se met au travail sur « Dumbo ». Il développe une partie de l’histoire et s’inspire de son fils qui a moins d’un an pour dessiner les attitudes du bébé éléphant. Peter Pan est sur les rails, mais Disney doit arrêter le projet pour participer à l’effort de guerre. Les studios produiront de nombreux films de propagande. Bill Peet y compris.


Après la guerre, Disney est en grande difficulté financière. Doivent-ils continuer à faire des longs-métrages, alors que ça engloutit tant d’argent ? Walt lance le projet Cendrillon sûr de son succès commercial. Bill Peet crée les personnages des souris, qui amènent humour et épaisseur à l’histoire.
Mais Bill Peet ne se satisfait plus de son travail chez Disney et il espère mener une deuxième carrière de front. Il reprend la peinture.Comme tant d’autres illustrateurs, il a toujours en lui l’ambition de devenir un grand peintre. Mais force est de constater qu’il a perdu la main. Alors que tout le monde fait de l’abstrait, Bill Peet continue à peindre ses paysages champêtres. Il abandonne la peinture pour de bon. Il s’essaie ensuite au dessin de presse, là aussi sans succès.
 Il se rend compte que ce qu’il souhaite vraiment faire c’est mettre en images ses propres histoires. Alors papa de deux petits garçons, Bill Peet leur invente des histoires chaque soir. Mais il a un problème avec l’écriture. En travaillant chez Disney, il a pris l’habitude de raconter avec des images, sans jamais mettre de mots sur ses dessins. Il a plusieurs histoires en tête, mais il ne parvient pas à en écrire les textes.

Las de ses tentatives d’écriture, il se remet à travailler dur pour Disney. Il travaille sur Alice au pays des merveilles, sur Peter Pan, puis sur la Belle au Bois dormant. Sur ce dernier film, Bill Peet se fâche avec Walt Disney car il refuse de changer une scène. Il est alors envoyé au sous-sol pour travailler sur des spots-télé et les visuels de la revue de Mickey. C’est sa punition pour avoir tenu tête à Walt. Après 2 mois de placard, il décide de remonter dans son bureau. Désoeuvré, il propose à Walt Disney d’ adapter une de ses propres histoires en court film d’animation. Ce sera « Goliath 2 », qui devient aussi un petit livre dans la collection des Golden Books. S’il est capable d’écrire une histoire pour Disney, alors il peut en écrire une pour lui.
En 1959, il publie son premier album jeunesse « Hubert’s raising Adventure », l’histoire d’un lion vaniteux qui perd sa magnifique crinière. Sa seconde carrière est enfin lancée.

Alors qu’il travaille toujours sur des courts métrages, Walt Disney lui envoie le roman de Dodie Smith « les 101 dalmatiens ». Bill Peet se voit confier de grandes responsabilités sur ce film : il doit écrire le scénario, faire le storyboard et enregistrer les voix. Cette fois-ci son nom apparaît en grand au générique.
Fort de son succès avec les dalmatiens, Bill Peet propose l’adaptation d’un roman « The sword in the stone ». Cela donnera le délicieux « Merlin l’enchanteur ». Bill Peet raconte qu’il a dessiné le personnage de Merlin d’après Walt Disney. En plus de la moustache, il lui a donné son sale caractère et son côté soupe au lait.

Alors qu’il travaille encore sur Merlin, il suggère à Walt d’acquérir les droits du « livre de la jungle » de Rudyard Kipling. A cette époque il a déjà sorti 5 albums pour enfants, mais ne néglige pas pour autant son travail au Studio. Il commence à développer le design des personnages pour l’adaptation du livre de Kipling. Il se met aussi à choisir les voix. Nouveau point de discorde avec Walt Disney qui ne supporte pas l’accent New yorkais de l’un des comédiens. Bill Peet promet du bout des lèvres qu’il va trouver quelqu’un d’autre. Walt lui répond « Peux-tu animer le film » ?, sous-entendant que son travail préparatoire est bien moins important que celui des animateurs. Bill Peet, qui n’a pas sa langue en poche répond « Oui ». Il ne remettra jamais les pieds chez Disney. Plus tard, il n’hésitera pas à critiquer l’ambiance chez Disney, décrivant les sautes d’humeur de Walt et les bagarres d’égo, le sien en faisait certainement partie.
Il continue à publier des livres pour enfants. Il en publiera 36 en tout. Son style est reconnaissable entre tous et n’aura presque pas bougé en 30 ans. Son dessin hyper expressif, doit beaucoup à ses années Disney, mais n’en conserve pas moins une vraie originalité.


 Il est resté fidèle à la même technique pendant toute sa carrière d’illustrateur. Sa mise en couleurs se fait toujours aux crayons de couleur.Il n’utilise que très peu de couleurs, souvent des couleurs primaires, qu’il croise habilement pour obtenir d’autres teintes. On pourrait qualifier ses illustrations d’un peu naïves. Moi je dirais qu’elles ont l’esprit de l’enfance. Il y a une douceur et une harmonie qui se dégage de ses belles doubles pages. Il a évidemment un excellent sens du rythme, après avoir storyboardé une grande partie de sa vie. On retrouve dans ses albums son sens aigu de l’observation, sa passion pour les animaux ( ce sont eux les héros de ses histoires, jamais les hommes) et son goût de la campagne. 50 ans plus tard, il semble qu’il dessine toujours les collines de son enfance.


En 1989, il publie son autobiographie, mais plutôt que d’écrire un livre pompeux, il le fait sous forme de livre illustré à destination des enfants.
Bill Peet est mort en 2002 à l’âge de 87 ans. Ses albums publiés entre 1959 et 1989 sont encore tous disponibles chez le même éditeur Houghton et Mifflin. Une telle longévité est suffisamment rare pour qu’on le signale. Il a d’ailleurs été parmi les meilleurs vendeurs de livre jeunesse aux Etats-Unis, aux côtés de Maurice Sendak et Dr Seuss. Deux de ses livres viennent d’être traduits en français par les éditions Milan « Léon le poltron » et « Le grand voyage ». On est ravis que l’édition francophone s’intéresse enfin à lui, malheureusement l’impression est fade, et ne rend pas du tout la vivacité des couleurs. Ces éditions ne rendent vraiment pas justice au talent de Bill Peet… Mon conseil, lisez-les en anglais !!

dimanche 7 septembre 2014

Eleanor & Park : une histoire d'amour

Oui, il y a "Nos étoiles contraires" et une flopée d'autres histoires d'amour dans nos étagères, mais nous réservons une place toute particulière à celle-ci. Elle commence lorsqu'Eleanor qui est ronde, rousse, pas bien dans sa peau (et on la comprend car elle n'a pas une vie rigolote) s'assied à côté de Park, un garçon plutôt taiseux, dans le bus qui les amène au collège. Rainbow Rowell, une auteure du Nebraska, nous propose une histoire subtile et convaincante avec des personnages auxquels on s'attache et une super ambiance musicale car Eleanor et Park communiquent d'abord par le biais de cassettes (si, si!) de rock (la playlist est ici).
Eleanor & Park est publié chez Pocket.

Enfin des nouveautés!

En fin d'été, on n'a envie que d'une chose : voir arriver des caisses de nouveautés! Voici donc, chers lecteurs, quelques chouchous piochés parmi les albums de la rentrée. Que les auteurs/éditeurs excusent nos photos un peu moches, dûes à un souci d'éclairage. Tous ces livres sont beaucoup plus beaux en vrai...
"Le zoo derrière la porte", un nouveau Burningham! Et déjà un classique... L'histoire d'une petite fille qui découvre dans sa chambre une porte qui donne sur un zoo, un rêve d'enfant! Par ici de plus belles images; en français, l'album est édité chez Kaléidoscope.


Nous avions beaucoup aimé "L'île aux chiens" d'Aurore Callias; chez Autrement, la même illustratrice fait paraître un album sans texte, l'histoire d'un petit garçon et d'une famille de singes... un peu délirant mais d'une liberté formidable, autant dans le trait que dans le récit, avec plein de détails vraiment rigolos. Le livre s'appelle "Coup de foudre au zoo" (oui, encore) et par ici, le blog de l'auteur, tout en dessins!


Ah, un nouveau Catharina Valckx! La pile, sur la table, a été anéantie en un weekend : c'est que le hamster Billy a ses fans! Dans cette nouvelle histoire, il organise une fête costumée à laquelle il invite tous ses amis dont un nouveau personnage, Didier, le petit frère de Jean-Claude, le ver de terre!
La couv' par ici et par une vidéo de Catharina Valckx, sur le site de son éditeur, l'école des loisirs.


Un album pour les plus grands et même pour les tout à fait grands qui seront certainement séduit par cette histoire inspirée de Tolstoï et mise en images par Raphaël Urwiller, la "moitié mâle" du duo Icinori: l'histoire d'un homme qui perd tout pour avoir voulu trop... Texte et illustrations sont vraiment très beaux. Cela s'appelle "Combien de terre faut-il à un homme?", le texte est d'Annelise Heurtier et c'est publié chez Magnier.





lundi 30 juin 2014

Quasi adolescence

C'est le mot grâce que j'ai eu à la bouche aussitôt terminée la lecture de "Cet été-là" des cousines Tamaki. Peut-être, les ont-elles vécus ensemble ces moments privilégiés au cœur de l'été? Il ressort en tout cas une incroyable  justesse de cette histoire, Rose et Windy, les deux presque adolescentes au centre du récit sont tellement crédibles qu'on croirait presque les toucher...Leur histoire est parfaitement universelle, elle a lieu quelque part sur la côté est américaine, mais pourrait se dérouler n'importe où... Comme tous les étés, Rose et ses parents reviennent passer leurs vacances à Awago Beach. A peine ses valises déposées, Rose enfourche son vélo pour aller retrouver Windy, sa meilleure amie pour l'été. En chemin, elle retrouve ses marques, laisse traîner, un bâton dans les arbres, ramasse un galet sur la route... En quelques cases, Jillian Tamaki donne le ton, crée une ambiance...
 Les retrouvailles sont heureuses, même si de façon quasi imperceptible, toutes deux sont conscientes que quelque chose a changé. Tout semble pareil, mais tout est différent, Rose est en passe de devenir une ado quand Windy a encore un pied dans l'enfance. Les jeux, les baignades, les balades sont toujours au programme des vacances, mais Rose et Windy commencent aussi à observer les petits drames d'une bande d'ados du village, avec un mélange d'admiration et de crainte.
Les dessins de Jillian Tamaki sont d'une grand élégance, elle a le chic pour saisir les expressions et les attitudes de ses héroïnes ordinaires.
Ce livre est une vraie bouffée d'air frais et ravira autant les adolescents en quête d'eux-mêmes que les adultes épris de nostalgie.


"Cet été-là" de Mariko et Jillian Tamaki aux éditions Rue de Sèvres, 20 euros


samedi 21 juin 2014

Iela Mari : la nature à hauteur d'enfant

J’ai découvert les livres de Iela Mari il y a quelques années. J’aurais tellement voulu les découvrir enfant. Ces livres m’ont immédiatement transportés, même avec mon regard d’adulte. Comment ne pas être attiré par la couverture des « aventures d’une petite bulle rouge », sur laquelle apparaît un énorme rond rouge, prêt à déborder de la page. C’est tellement simple que ça en devient mystérieux….
Les albums de Iela Mari m’ont amené à découvrir une nouvelle voie en littérature jeunesse. Une voie qui laisse une place énorme à l’enfant, qui n’essaie pas de penser à sa place. Fruit d’expérimentations et de recherches graphiques, les livres de l’auteur italienne s’inscrivent dans son parcours tourné résolument vers la communication visuelle.

Iela Mari naît Gabrielle Ferrano en Italie en 1932. Elle étudie la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Brera où elle rencontre son futur époux Enzo Mari. Ils se marient en 1955 et auront deux enfants. Ils collaborent sur plusieurs albums pour enfants, avant qu’Enzo Mari décide de se tourner vers la création de jeux, de jouets d’objets et de meubles. Les travaux et réflexions du couple sont d’ailleurs inextricablement liés, parce qu’en plus d’avoir réalisé des livres ensemble, ils partagent une même vision quant à la transmission aux enfants.

Enzo Mari a réalisé différents jeux. Il est notamment le créateur d’un puzzle en bois regroupant 16 animaux s’emboîtant parfaitement pour faire un rectangle. Les formes sont simples, rondes, lisses, mais ne laissent aucun doute quant à l’identité des animaux. Ils sont directement identifiables. L’enfant peut les empiler en pyramide en cherchant le point d’équilibre avant de les réemboîter pour les ranger. Fabriqué en 1957 par la célèbre marque milanaise Danese, toujours à la pointe du design international aujourd’hui, ce puzzle laisse à l’enfant une grande liberté puisque différentes compositions sont possibles. Enzo Mari a aussi réalisé « le jeu des fables », qui comprend douze cartes avec des encoches sur lesquelles sont dessinés les animaux empruntés pour l’occasion aux fables de La Fontaine. En emboîtant les cartes on peut faire dialoguer les animaux à l’envi et donc s’inventer toutes sortes d’histoires. Les jeux d’Enzo Mari proposent aux enfants de construire eux-mêmes leurs règles. Il dit « Il faut donner à l’enfant, non pas des jeux, mais des structures de jeux ». Pour cela il simplifie les formes à l’extrême comme le fera Iela Mari dans ses livres. Tous deux étaient inquiets de l’évolution de la société. Enzo voyait d’un mauvais oeil l’accumulation des jouets futiles (on est dans les années 60, qu’est-ce qu’il dirait aujourd’hui) dans les chambres d’enfant, et Iela doutait des effets produits par une trop grande consommation de télévision.

C’est de ces préoccupations que naît son premier album « les aventures d’une petite bulle rouge ». ll paraît en 1968 en France, et sonne un peu comme une révolution au moment une autre révolution se joue dans la rue. Iela Mari crée un livre pour enfants sans texte, des pages zen, sur fond blanc, un trait à l’encre noir et des aplats rouges. Rien de plus !!

Une bulle de chewing gum sortie des lèvres d’un enfant se métamorphose successivement en ballon, en pomme, en papillon, en fleur, puis en parapluie pour revenir dans la main du même enfant. Epure et simplicité sont les maîtres mots de cet album. Iela Mari part du principe que l’esprit des petits fonctionne par associations de formes. On l’a dit inquiète de l’effet produit par le trop plein d’images diffusées par la télévision, elle dit :
« je voulais attirer l’attention sur les formes, par rapport au bombardement d’images que la télé produit ».
D’autres albums suivront ce premier livre, tous publiés en France par l’Ecole des Loisirs, qui joue véritablement à l’époque un rôle d’incubateur de talents. Jean Fabre, voit dans « Les aventures d’une petite bulle rouge » une sorte de manifeste de la maison d’édition qu’il a fondé. « Cet album dans sa sobriété, avec son schéma narratif épuré, ouvre à une pluralité d’interprétations et devient support d’expression ». Et c’est certainement ce qui a fait, et ce qui fait toujours le succès de cet album. C’est qu’il laisse une grande place au lecteur, à la parole de l’enfant. Il y a une grande humilité dans l’oeuvre de Iela Mari, elle imaginait ses livres comme un point de départ, une base de dialogue avec les plus petits. Son but était de suggérer des choses, de sensibiliser les lecteurs à leur environnement.

C’est ce qu’elle fait avec « la pomme et le papillon » un an plus tard. Réalisé avec son mari, ce livre montre une pomme, dans cette pomme il y a un oeuf, qui donne naissance à une chenille, la chenille sort de la pomme, devient cocon, le cocon devient papillon, le papillon pond un oeuf dans une fleur de pommier, et l’histoire est prête à recommencer. Iela Mari évoque le temps qui passe, puisque alors que la chenille devient papillon, les feuilles du pommier brunissent, finissent par s’envoler, pour finalement voir apparaître de nouveaux bourgeons.
Il y a aussi « l’oeuf et la poule », qui de l’oeuf ou de la poule fut le premier ? Elle fait une allusion subtile à la fécondation sur la page de titre, en montrant la tête du coq et celle de la poule. Puis on voit le nid, la ponte de l’oeuf, la gestation et l’éclosion, et le poussin qui devient poulette… La boucle est bouclée, une fois de plus….

Tous ses livres évoquent des cycles, cycle des saisons, cycle végétal, animal, ou cycle des métamorphoses poétiques, comme dans « les aventures d’une petite bulle rouge ». Iela Mari aime raconter les petites histoires de la nature, de celles qui se déroulent sous nos yeux, mais qu’on ne prend pas toujours la peine d’écouter. Elle joue le rôle d’un passeur, par le livre elle amène les enfants à déchiffrer le réel, et elle y arrive grâce à son style graphique épuré. Elle dit :
« Je pense que pour l’enfant qui cherche à comprendre, la nature est trop complexe. J’essaie de lui rendre les choses claires en créant des images synthétiques, en rendant le réel plus vrai que le réel. Et pour ce faire, il faut partir d’une analyse pour arriver à une synthèse, et non l’inverse. Il faut d’abord dessiner tous les détails d’une feuille, par exemple, et puis gommer, gommer ».

C’est bien de simplicité dont on parle et pas de simplification du propos. D’ailleurs ses dessins, même s’ils sont réduits à leur plus simple expression sont toujours une représentation fidèle du réel.
Son dernier album, paru en 1978 est dans la continuité des précédents. Toujours sans texte, avec seulement quatre couleurs, il nous entraîne dans un pré à la découverte des animaux qui y vivent, qui s’y cachent. Le lecteur se retrouve à hauteur des herbes, on sent presque les brins d’herbe qui nous chatouillent le nez. Iela Mari nous accompagne dans l’observation de tel ou tel animal, leurs interactions, on voit par exemple le renard qui guette la poule du coin de l’oeil, à nous d’imaginer la suite. Une fois de plus, l’auteur s’efface pour nous laisser interpréter ses images à notre guise. Jamais de leçons, ni de morale dans les livres de l’artiste italienne, contrairement à de nombreux livres pour enfants, juste une invitation à observer et à rêver le monde qui nous entoure.

Iela Mari a publié 8 livres pour enfants, certains imaginés à quatre mains avec son mari, elle n’a jamais vraiment quitté l’univers des livres, puisqu’elle a continué à enseigner le graphisme à l’Ecole de design de Milan. Elle nous a quitté il y a quelques mois, laissant un grand vide de le monde du livre jeunesse. Ses livres n’ont pas pris une ride et sont toujours largement plébiscités dans les écoles où ils continuent de faire rêver de nouvelles générations de bambins.

dimanche 25 mai 2014

Luke Pearson et Hilda, une série en mouvement

Quatrième tome de la série "Hilda et le chien noir" vient de paraître aux éditions Casterman.
La série de l'auteur britannique Luke Pearson avait d'abord été publié par les éditions londoniennes Nobrow, avant qu'elles n'arrêtent récemment de traduire leurs livres en français. C'est Casterman qui a racheté les droits d'Hilda.
Notez déjà que "Hilda et le troll", "Hilda et le géant de la nuit" et "Hilda et les parade des oiseaux seront réédités au mois d'août.
Et on peut dire qu'il s'en est passé des choses depuis la première apparition de notre petit héroïne aux cheveux bleus dans "Hilda et le troll" paru en 2010 sous la forme d'un petit livre agrafé de 24 pages. Hilda a fait du chemin, et son créateur aussi.


Dans cette nouvelle aventure, Hilda qui a du déménager en ville, après avoir vécu au milieu des grands espaces, doit se faire à sa nouvelle vie. Elle vit désormais dans un petit appartement de la ville de Trollbourg, avec sa mère et son fidèle Brindille. Pour qu'elle puisse s'épanouir au grand air et se faire de nouveaux amis, sa mère lui propose de rejoindre la patrouille des moineaux, sorte de troupe scoute locale, qu'elle a elle-même fréquentée enfant. Poussée par sa curiosité naturelle et ne voulant pas décevoir sa mère, elle se joint au groupe, persuadée qu'une nouvelle aventure l'attend. On l'avait déjà remarqué dans les tomes précédents, Hilda a le chic pour attirer les créatures magiques, elle a aussi le don de les comprendre, de leur parler et toujours envie de les protéger. C'est comme ça qu'elle fait la connaissance de Tontu, un nisse de maison, sorte de créature qui habite les espaces perdus dans les maisons. Ce nisse a été banni de chez lui, et jure à Hilda qu'il a été accusé à tort. Entre temps, le départ en camping avec les moineaux se précise, mais l'expérience tourne court, car une bête énorme rôde et une rumeur raconte qu'elle aurait même dévoré des gens. Mais Hilda vous dirait qu'il ne faut jamais se fier aux apparences, et il ne lui en faut pas plus pour se lancer sur la trace de la bête, d'autant qu'elle veut protéger et innocenter le brave Tontu, qui semble d'une certaine façon lié à cette histoire de bête..

Ce nouveau tome montre une Hilda encore plus résolue. Son personnage a pris de l'épaisseur depuis l'esquisse des débuts. Elle est plus complexe et ressemble de plus en plus à une petite fille d'aujourd'hui, avec ses doutes, ses envies, ses angoisses et son humour. Comme beaucoup d'enfants, Hilda sait observer, elle voit des choses que les adultes ne voient pas, c'est comme ça qu'elle découvre toutes ces créatures qui sont invisibles à nos yeux.

On dirait que Luke Pearson, cerne davantage son public, cet album est vraiment destiné aux enfants. On peut peut-être expliquer cette évolution par le tour que les éditions Nobrow ont pris. Ils ont créé un label jeunesse où ils publient notamment Hilda, qui du coup se voit estampillé "pour enfants" ce qui n'était pas le cas du Nobrow des débuts. Ceci dit, on sent que Pearson veut rencontrer son lectorat, l'histoire se complexifie. Il donne vraiment de l'importance à la narration.

Le personnage de la mère, est aussi extrêmement touchant. Elle a ce côté bienveillant, parfois inquiet, mais elle fait toujours confiance aux décisions de sa fille et sait lui accorder son indépendance.


Luke Pearson crée un univers finalement assez réaliste qu'il parsème de petites touches fantastiques. On le sent influencé par les Moomin de Tove Jansson et par les mythologies scandinaves en général. On retrouve d'ailleurs l'esprit d'aventure et la bonne humeur propre à la famille Moomin.

Graphiquement le travail de Luke Pearson a énormément évolué. Physiquement Hilda a beaucoup bougé depuis le premier album. Son visage s'est arrondi, son nez est plus ramassé, ses yeux se sont considérablement agrandis. C'est tout le dessin de Pearson qui a évolué. Il semble plus fluide, moins laborieux, moins rigide, toujours en mouvement. Il y a aussi un petit côté Peanuts dans les attitudes et les expressions des personnages. La mise en couleur est sublime, sa palette de tons un peu passés colle vraiment bien à l'univers et à l'histoire.

Pearson cherche la lisibilité, il n'hésite pas à multiplier les cases pour qu'on comprenne bien la scène. Il y a aussi un gros travail sur la mise en page. La taille des cases change constamment, elles se superposent, prennent des formes originales. Ce procédé dynamise la lecture sans jamais brouiller la compréhension.

Quant à l'objet, il est très réussi. On peut se réjouir que Casterman reste dans la continuité de Nobrow en ce qui concerne la fabrication. Ils ont gardé le dos toilé, le papier mat de couverture avec un vernis sélectif.

Je pense que c'est un album qui mettra tout le monde d'accord, parents et enfants. Luke Pearson a l'air de se bonifier avec le temps, vivement le prochain Hilda, donc!!


dimanche 11 mai 2014

Dédicace de Max de Radiguès, préparation et bricolages...

Merci à Max de Radiguès pour cette super dédicace hier après-midi chez nous. On a passé un suepr moment. On espère que vous aussi. Merci à vous lecteurs et amis d'être venus si nombreux.
Merci à l'auteur pour sa disponibilité et pour son aide dans l'élaboration des différents mobiles et silhouettes qu'on a placé dans la librairie pour l'occasion. On a bien l'intention de les garder!! Et surtout lisez "Un été en apnée" paru aux éditions Sarbacane. C'est drôlement bien!!