lundi 28 octobre 2013

Leo Lionni, l'homme derrière "Petit-Bleu et Petit-Jaune".

Ce nom vous est certainement familier, puisqu’il est l’auteur du célèbre "Petit bleu et petit jaune", un album jeunesse que nombreux d’entre nous ont lu alors qu’ils étaient enfants et qui est devenu un classique du genre. Paru en 1962, ce livre a une longévité exceptionnelle puisqu’il est toujours lu par les enfants d’aujourd’hui et qu’il tient une place de choix dans les librairies, les bibliothèques et les écoles. Tout le monde connaît le livre mais peu connaissent l’homme qui se cache derrière cette histoire universelle.

Leo Lionni est né en 1910 dans la banlieue d’Amsterdam d’un père tailleur de diamants et d’une mère chanteuse d’opéra. Il grandit dans une famille cultivée et sensible à l’art. Ses parents possèdent un tableau de Chagall, "L’homme vert au violon sur des toits enneigés", que Lionni enfant ne cesse d’observer. Il y voit d’ailleurs le lieu de naissance secret de tout ce qu’il a écrit, peint ou imaginé.. Lionni est un enfant curieux, fin observateur de la nature. Il ramasse et collectionne toutes sortes d’objets. Il a dans sa chambre une table-nature sur laquelle il expose ce qu’il a collecté à l’extérieur. Cette idée de table-nature est chère aux pédagogies Montessori et Steiner qui se développent à l’époque et qui encouragent l’enfant à expérimenter par lui-même. Se côtoient sur sa table, des graines, des chenilles, des coquillages, des morceaux de bois sculptés, des terrariums remplis d’escargots, des plumes, des fleurs séchées, tout est soigneusement ordonné et étiqueté. On peut déjà voir les motifs de certains de ses albums pour enfants peuplés eux aussi de morceaux de nature.

Après un passage de deux ans à Bruxelles pendant lequel il apprend le français, Leo Lionni déménage aux Etats-Unis avec ses parents. En 1925, sa famille arrive à Gênes, et après avoir connu l’insouciance des matchs de basket et des bals de promo, Lionni découvre la montée du fascisme dans une Italie gouvernée par Mussolini. Il a 16 ans et tombe amoureux de la belle Nora Maffi, fille d’un activiste communiste. Il l’épouse en 1931. Ils ne se quitteront plus. Il entreprend des études de commerce pour faire plaisir à son père. Il trouve un emploi dans une compagnie pétrolière mais fréquente assidument les artistes. Il fait la connaissance de Marinetti qui voit en lui en grand futuriste. En 1934, il plaque tout et part à Milan, il trouve un travail dans un magazine d’architecture, il s’essaye au graphisme. Il y croise Saul Steinberg alors étudiant en architecture, il est fasciné par la rigueur de l’artiste il retient de Steinberg cette phrase" Messy art leaves no message". Inquiet par la montée du fascisme, ses origines juives le décident à fuir l’Italie, en1938, il part pour les Etats-Unis avec sa femme et ses deux enfants.
Il s’installe à Philadelphie et grâce aux relations de son père trouve un petit job dans l’agence de publicité Ayer. Il commence comme assistant à 50 dollars la semaine, mais après sa campagne réussie pour les automobiles Ford, il devient directeur artistique de l’agence. Il travaille ensuite pour Container, une grosse compagnie financière. Il y fait appel à des artistes comme Léger, Man Ray, De kooning pour ses campagnes de pub. ll engage même un certain Andy Warhol. Il est un des premiers designers à faire travailler des artistes pour la publicité. Pour une campagne pour General Electric, il rencontre Walter Gropius et le groupe du Bauhaus, qui lui demandent d’animer une session d’été au Black Mountain College, sorte d’université expérimentale à laquelle Remy Charlip a aussi été associé. Sa créativité est à nouveau stimulée et il tente de se consacrer à la peinture à plein temps. Il organise sa première exposition en solo composée de tableaux de plantes, réminiscences de son enfance. Mais la réalité le rattrape, il est devenu l’un des designers les plus en vue de l’époque et les propositions affluent. Le magazine Fortune, un hebdomadaire bien connu d’économie lui propose de relooker le magazine. Il accepte en freelance et réalisera de magnifiques couvertures.Il travaillera aussi pour Time, Life, le Moma., le magazine Print.

Pendant toute cette période il fréquente des groupes de la gauche intellectuelle américaine et prend conscience de la responsabilité sociale des designers.
En 1958, il conçoit une partie du pavillon américain pour l’expo universelle qui se tient à Bruxelles "The unfinished business" est une sorte de tunnel aux formes étranges. Comme le suggère son nom, on peut y voir des images représentant les problèmes non résolus de la société américaine avec une ébauche de solution. On y parle d’environnement, de pauvreté, de lutte raciale. Le pavillon a malheureusement été fermé après la visite d’ un membre du Congrès américain un peu susceptible..

Leo Lionni a bientôt 50 ans et mène la carrière parfaite. Un jour qu’il rentre de New York en train, il essaye d’occuper ses deux petits-enfants, Pippo et Ann, alors âgés de 5 et 2 ans et décide de leur raconter une histoire. Il sort un exemplaire du magazine Life et commence à déchirer de petits ronds de couleur, qu’il pose ensuite sur le dos de son cartable. Il y a un petit rond bleu ami d’un petit rond jaune, inséparables ces deux-là s’embrassent et deviennent un petit rond vert que leurs parents ne reconnaissent plus, il leur faudra pleurer des larmes bleues et jaunes pour redevenir eux-même et retrouver leur famille.

L’histoire fait mouche, et en plus d’avoir conquis ses petits-enfants, Leo Lionni a captivé les passagers du wagon qui l’applaudissent à tout rompre. Rentré chez lui, Lionni s’assit à sa table, il déchire un nombre égal de ronds de papier bleu et jaune et la moitié de vert. Il préfère les déchirer que de les découper aux ciseaux car un découpage trop net rendrait la forme trop mécanique pour être une chose vivante. Il met le livre en page et dès le lendemain envoie son projet à un éditeur de livres jeunesse. Le projet est accepté et la nouvelle carrière de Leo Lionni est lancée. Il quitte les Etats-Unis, abandonne le métier de designer et s’installe en Italie pour se consacrer à ses projets personnels. Après avoir tant créé pour les autres, il veut se recentrer sur l’art, la peinture, cette envie de créer qui l’a toujours animé.
C’est une nouvelle vie qu’il entame et se donne corps et âme dans l’écriture de ses histoires pour enfants. Il publie 28 livres jeunesse. Il expérimente différentes techniques, il utilise beaucoup les collages, il découpe, déchire des papiers marbrés qui ne sont pas sans rappeler les terrariums et les fossiles de son enfance. Il aime jouer avec les matières, et ose tous les mélanges. Les histoires de Lionni sont autant de fables nous amenant à réfléchir sur notre condition humaine, même si les personnages sont tous des animaux.
"Frédéric "est une relecture de la fable de la Cigale et de la fourmi. Lionni prend le parti de la cigale et pose plus largement la question de l’utilité de l’artiste dans notre société. Cest bien Frédéric, le poète qui redonne espoir à ses condisciples au plus profond de l’hiver.
Dans "le rêve d’Albert", l’auteur raconte la naissance d’une vocation artistique qui n’est autre que la sienne. Derrière Albert la souris, on reconnaît Lionni enfant fasciné par le tableau de Chagall qu’il contemplait si souvent .
Tous les héros de Lionni affrontent la peur de soi, de l’autre et du monde. "Pezzetino" offre une belle synthèse de son oeuvre. "Pezzetino" est un petit bout qui se demande de quel grand tout il fait partie, mais finit par découvrir qu’il n’en est rien, il est simplement lui. Lionni lui aussi a rassemblé tous les morceaux de sa carrière tout en facettes, pour devenir un auteur de livres jeunesse particulièrement aimé des enfants. "Je suis bien moi" clame Pezzetino.

Leo Lionni s’éteint en 1999 à l’âge de 89 ans. Mais ses livres continuent leur chemin auprès des enfants qui s’approprient totalement ses histoires car elles expriment de façon simple et directe leurs différents sentiments.

(ce texte est issu d'une rubrique que j'anime sur Radio Grandpapier)

dimanche 13 octobre 2013

Super weekend Fureur de Lire


Ca y est, c'est déjà passé, notre weekend Fureur de lire est terminé! Mais quelle ambiance! Merci à l'équipe Cuistax d'avoir animé notre vendredi soir! Quelle soirée!!!! On avait jamais vu autant de monde sur la mezzanine en 30 ans d'existence!



Merci à Mélanie Rutten pour sa disponibilité, sa patience et son enthousiasme qui ont fait de ce samedi une journée inoubliable. On est plus que ravis que son nouveau livre "l'Ombre de chacun" ait trouvé son public parce que c'est un album magnifique!

Et puis, merci à vous d'être venus si nombreux soutenir nos artistes bruxellois si talentueux. Et aussi, merci d'être toujours là, maintenant que nous occupons un nouveau lieu, merci pour tous vos encouragements et commentaires positifs qui nous donnent envie de continuer cette belle aventure autour du livre.






mercredi 9 octobre 2013

La création bruxelloise à l'honneur chez Tropismes Jeunesse!

Lancement du nouveau numéro de Cuistax le 11/10 + Dédicace de Mélanie Rutten le 12/12


Cette année, dans le cadre de la Fureur de Lire, nous avions envie de vous faire découvrir ce qui se passe près de chez vous. La Belgique et Bruxelles, en particulier, sont depuis longtemps de fabuleux viviers d'auteurs et d'illustrateurs jeunesse. Grâce à des écoles d'art de renommée internationale comme l' Institut Saint-Luc, La Cambre ou l'Académie des Beaux-Arts, (liste non-exhaustive, bien sûr), Bruxelles est devenue un centre d'attraction pour tous les amateurs d'illustration. De nombreux jeunes passionnés débarquent à chaque rentrée scolaire des quatre coins de l'Europe pour accéder à cet enseignement de qualité. Le résultat est évidemment un savoureux mélange des genres, et une scène artistique très dynamique. Des tas de projets éclosent de-ci de-là, et parmi eux, il y a Cuistax, un fanzine pour enfants lancé par Chloé Perarnau et Fanny Dreyer ( qui était notre invitée l'année dernière, à l'occasion de la sortie de son livre « Le mystère du Monstre » à la Joie de Lire), deux bruxelloises d'adoption sorties il y a un peu plus de deux ans de l'Académie des Beaux-Arts. L'idée était de réaliser un objet du début à la fin, de la création à l'impression. Est alors né « Cuistax », un petit fanzine bilingue (français-néerlandais) destiné aux enfants, avec des histoires, des jeux, des recettes, le tout illustré par la crème des illustrateurs du cru ! Le résultat est vraiment réussi. Après deux numéros prometteurs, nous vous invitions à découvrir la nouvelle mouture ce vendredi 11 octobre à partir de 16h30. Une occasion de rencontrer les nombreux acteurs de ce magazine atypique qui a déjà séduit de nombreux lecteurs !

Chloé Perarnau présentera aussi son nouvel album paru chez Actes Sud : « Combien de temps... ? », un album subtil au graphisme délicat qui apprend au plus petites à appréhender l'écoulement du temps, et surtout à profiter des moments de la vie qui comptent vraiment.
Fanny Dreyer signera son nouveau livre paru à La Joie de Lire « Les musiciens de Brême ».



Samedi 12 octobre, Rencontre-dédicace avec Mélanie Rutten à l'occasion de la parution de son nouveau livre « L'ombre de chacun » aux éditions Memo. On avait déjà été séduit par « Nour » et les autres livres de l'auteur, petites merveilles d'émotions et de sensibilité à fleur de peau. 
C'est une toute nouvelle Mélanie Rutten qu'on découvre dans "L'Ombre de chacun". Une nouvelle technique et des couleurs chatoyantes à l'aquarelle servent ce récit initiatique où se croisent, un chat sportif, un soldat, un livre, une ourse qui danse, un lapin et un cerf inquiet. Venez rencontrer la bruxelloise Mélanie Rutten, et pénétrez dans son univers si particulier, peuplé de petits animaux aux histoires tellement attachantes.
Dédicace le samedi 12 octobre de 15h30 à 19h00.



samedi 28 septembre 2013

Nouveau départ!

Nous voilà relogés Galerie des Princes, après un passage de 6 ans à la Galerie du Roi, nous revenons où tout a commencé, dans le bâtiment historique qui fait Tropismes depuis plus de 25 ans.
Les rayons jeunesse et bandes dessinées ont donc élu domicile à la mezzanine sous les jolis plafonds dorés! Vous trouverez toujours sur nos tables les dernières nouveautés en bd, mais aussi une sélection de productions plus confidentielles et de fanzines. Les albums ont toujours la part belle dans nos étagères, des classiques aux créations contemporaines plus graphiques, nous vous proposons un vaste choix pour vos petits mais aussi pour tous les amateurs d'illustration . Lectrices voraces, ma collègue Anne et moi sommes prêtes à conseiller vos ados ou pré-ados en lecture, de l'aventure au fantastique en passant par les histoires de cœur. Les bd jeunesse comptent aussi pour nous, et en plus des indémodables schtroumpfs, tintins and co, vous découvrirez nos coups de cœur pour de jeunes auteurs et de nouvelles séries. Et puis il y aussi les cartonnés pour les bébés, les documentaires, les livres d'activités, la poésie, le théâtre jeunesse, les livres disques, et j'en passe. Nous vous accueillerons en musique, comme d'habitude, à l'étage de la Galerie des Princes.
On vous attend...



samedi 14 septembre 2013

Une rentrée réussie pour les Grandes Personnes


On les attendait avec grande imaptience, les nouveaux livres des éditions des Grandes Personnes! Et ils ne nous ont pas déçus.
Deux jeunes illustratrices ont rejoint le catalogue de cet éditeur innovant. Lucie Félix signe son deuxième livre en cette rentrée. Après le très prometteur "2 yeux", elle revient avec "Après l'été", titre de circonstance, maintenant que les beaux jours sont derrière nous, un livre pour les petits conçu comme un assemblage de formes géométriques, chaque page tournée fait apparaître quelque chose de nouveau. J'aime le travail tout en simplicité de Luci Félix, pas de grands effets de style, juste quelques pages découpées au bon endroit, des couleurs primaires, des formes simples, et un texte écrit avec une grande économie de moyens. On sent l'admiration qu'elle porte au maître Bruno Munari, on retrouve un peu du designer italien dans le travail de la jeune illustratrice, elle semble partager avec lui une même vision du livre, objet d'expérimentations, mais sans jamais oublier le lien avec les enfants. Car "Après l'été", est un vrai livre pour enfants, ce n'est pas qu'un bel objet déstiné aux étagères des collectionneurs. L'effet de surprise est garanti avec des petits, ravis de voir se matérialiser sous leurs yeux, tantôt des pommes bien rouges, tantôt un rouge-gorge, ou encore un un marteau. Il y a une vraie progression narrative dans ce livre, une histoire qui nous rappelle qu'après l'hiver, les beaux jours reviendront et avec eux le chant des petits oiseaux.



L'autre nouvelle recrue c'est Emma Giuliani, qui publie son premier livre, après avoir travaillé sur les livres des autres, puisqu'elle est graphiste de métier.
"Voir le jour" est une merveille, qu'on veut relire encore et encore. Du noir et blanc présent sur chaque double page, jaillit la couleur, en des endroits subtils. Et surtout, c'est nous qui faisons surgir les petites touches de couleur ici et là, grâce à nos petits doigts. Plier, déplier, retourner, de petits gestes simples qui font apparaître la magie sur chaque page. A l'heure où tout se fait grâce à une petite pression du doigt sur un écran, il est bon de revenir à ses gestes simples et lents, à une lecture qui se fait au rythme de l'humain. Pas d'application, pas d'écran tactiles, juste du papier, et le talent d'une jeune illustratrice dont on ne manquera pas de suivre le travail sur les tables de notre librairie.


samedi 31 août 2013

Poésie pour petites oreilles


La poésie n'a pas forcément la cote en librairie,d 'autant moins lorsqu'il s'agit de poésie pour enfants. Et pourtant l'offre est vaste et certains livres valent vraiment la peine d'être lus, relus, proclamés et chantés à haute voix! En cette rentrée encore estivale, les éditions nantaises Memo créent une nouvelle collection de textes rimés pour les petits. La collection coquelicot compte deux titres à ce jour, deux livres écrits par Françoise Morvan, auteure à l'aise avec les mots, puisqu'en plus de nous régaler de ses mots rimés, elle a traduit de nombreux auteurs jeunesse parmi les plus célèbres aux États-Unis. C'est elle qui a récemment traduit "Petit Brown' d'Isabel Harris et André François, ou encore "Déguisons-nous" de Rémy Charlip. Des livres qui comptent parmi mes préférés.
"La saga des petits radis" et "Les joies du logis", sont deux livres aux ambiances radicalement différentes. On retrouve avec plaisir Florie Saint-Val dans son élément puisqu'elle illustre avec malice de petits radis en quête de liberté. Irène Bonacina crée une atmosphère plus feutrée avec son trait si particulier et s'amuse à dessiner les habitudes domestiques de tous les animaux.
 Si en tant qu'adulte on oublie parfois le plaisir de dire de la poésie à haute voix, les enfants eux sont souvent preneurs de mots rimés et autres comptines. Il est ce plaisir de jouer avec les mots, de construire, déconstruire, accélérer, ralentir le rythme.
J'ai choisi de vous parler de trois autres livres que j'affectionne tout particulièrement.

"Les poèmes ont des oreilles, 60 poèmes à dire comme çi ou comme ça"une anthologie publiée par Rue du Monde et mise en images par Anne-Lise Boutin. On peut y lire du Desnos, du Pierre Coran,du Max Jacob, mai aussi du Jean-Pierre Siméon ou du Jean-Luc Moreau. Aux poèmes de tous poils répondent les illustrations en collages colorés d'Anne-Lise Boutin.

"Mon livre de comptines" de Jean-Hugues Malineau et Gwénola Carrère chez Albin Michel est un recueil qui mélange comptines d'autrefois, comptines-poèmes de poètes d'aujourd'hui, et des comptines-jeux à détourner et à inventer par les enfants eux-mêmes. Les textes souvent drôles se fondent parfaitement dans les illustrations au pochoir de Gwénola Carrère, une illustratrice bruxelloise dont on suit le travail depuis longtemps!

"Le bord du monde" de Shel Silverstein a été publié par Memo en 2012. Ce recueil traduit par Françoise Morvan est parmi ce qui se fait de mieux en poésie jeunesse. On connaît le talent de raconteur de l'américain Shel Silverstein auteur du cultissime "Arbre généreux", mais on connaît moins en Europe son talent de poète. Shel Silverstein a un don pour les mots. Ses poèmes sont autant de petites historiettes qui résonnent longtemps à nos oreilles. Ses dessins au trait appuyé, parfois proches de la caricature font de ce livre un chef-d’œuvre du genre.

mardi 20 août 2013

Un automne avec Kitty Crowther

Bientôt sur nos tables un nouvel épisode de la vie (intime) de Poka et Mine, personnages indispensables nés sous le crayon de Kitty Crowther. On ne va pas tout vous raconter mais quand même, pour vous mettre l'eau à la bouche, on peut vous dire que dans cette histoire il y a justement de l'eau, du cake à la mousse verte et des créatures aquatiques très très craquantes ! "Poka et Mine à la pêche", édité chez Pastel, devrait arriver le 19 septembre.



En bonus, pour les impatients, un très beau travail de notre Kitty nationale pour Le lieu unique, à Nantes, par ici

dimanche 18 août 2013

Lectures d'été

Il est temps de préparer la rentrée et de lire pour vous des nouveautés à paraître dans les semaines à venir...
Mais ça ne nous empêche pas de revenir un peu en arrière pour redécouvrir les livres qu'on a raté. C'est le cas d'un premier roman pas inintéressant "La Passe-miroir t1: les fiancés de l'hiver" de Christelle Dabos paru chez Gallimard au mois de juin. Ce texte est le grand gagnant d'un concours organisé par Gallimard, RTL et Télérama ouvert à tous ceux qui souhaitaient écrire pour la jeunesse. Le manuscrit de Christelle Dabos a émergé parmi 1362 autres textes soumis à un jury de professionnels. Et il faut bien l'admettre, c'est une lecture tout à fait agréable. On y trouve tous les bons ingrédients de la saga fantastique, magie, humour, amour, et surtout une héroïne tellement attachante, évoluant dans un univers foisonnant. Christelle Dabos ne manque pas d'imagination, et chaque chapitre amène son lot de surprises. Elle enrichit petit à petit l'étrange univers qu'elle a créé, et le fait avec assez bien de talent! On plonge dans ce livre avec beaucoup de plaisir, on se laisse vite embarquer par le jeune Ophélie, jeune fille maladroite, loin des clichés de l'adolescente romantique, promise un jeune homme sans charme qui semble cacher son lot de secrets.

lundi 12 août 2013

De retour de Chine

Me voilà de nouveau au milieu des livres après trois semaines de voyage en Chine. Mais je n'ai pas failli à mes habitudes de voyage, et je n'ai pas pu m'empêcher de visiter une  librairie pour enfants à Pékin. "Kid's Republic"est un petit écrin dédié à la littérature jeunesse, au milieu d'un étrange quartier de tours et de grands boulevards vides. Après avoir tourné longtemps entre de grandes tours impersonnelles, j'ai enfin trouvé l'entrée de Kid's Republic, reconnaissable grâce à ses petits hublots, qui sont autant d'alcôves pour petits dévoreurs de livres. La librairie est assez petite, mais incroyablement aménagée. Tout y est prévu pour le confort des plus petits, des tapis aux couleurs acidulées aux tables de jeux et de bricolage, et surtout aux espaces de lecture où parents et enfants peuvent partager un moment de tranquillité autour d'un album. Les rayons sont bien remplis, on y trouve de nombreuses traductions d'albums japonais surtout, mais aussi d'albums francophones. J'ai été ravie de voir les livres de Mario Ramos et d'autres. D'après l'une des charmantes libraires, "Un livre" d'Hervé Tullet était le best seller de l'année!! C'est amusant de reconnaître tant de couvertures dans un pays qui semble à mille lieues du nôtre. J'ai aussi découvert quelques auteurs et illustrateurs chinois, grâce aux conseils des libraires. Je ferai un autre post à ce sujet. En attendant, régalez-vous des photos du lieu!






jeudi 1 août 2013

Quelques façons de se rafraîchir!

Un peu de fraîcheur? La solution est dans les livres... Se mettre tout nu (Taro Gomi, "C'est l'heure du bain, petit lion!" chez Autrement), croquer dans une pastèque juteuse (Hana Doskocilova et Zdenek Miler, "La petite taupe et le parapluie" chez Autrement), plonger dans les vagues (Charlotte Gastaut, "Le grand voyage de Mademoiselle Prudence" chez Flammarion)...




dimanche 23 juin 2013

L'héritage des petits livres d'or.


C'est toujours un plaisir que de dénicher des livres rares, des livre qui s'intéressent à la littérature jeunesse, comme un genre à part entière. C'est le cas de ce très beau livre sur la collection des petits livres d'or, une collection reconnaissable entre tous par sa jolie tranche dorée et qui a accompagné de nombreuses générations d'enfants à travers le monde. Le "Golden Legacy" tente de nous montrer à quel point cette collection a modifié les habitudes des lecteurs et a profondément marqué le monde du livre pour enfant en découvrant de nombreux auteurs et illustrateurs, reconnus aujourd'hui parmi les meilleurs de leur temps. C'est en 1942, en période de guerre, qu'est lancée la collection des petits livres d'or à 25 cents. Dans cette période de privations pour de nombreuses familles, les petits livres d'or étaient accessibles à tous grâce à leur prix défiant toute concurrence, on pouvait les trouver un peu partout, dans les commerces de proximité, il était donc facile des se les procurer, et c'est de cette façon que la collection a petit à petit pénétré les foyers américains.

Le livre de Leonard S. Marcus, en plus de parler des débuts de la collection, explique à quel point elle a contribué à faire évoluer le monde de l'édition jeunesse. Même si au début, ses livres à petits prix étaient boudés par les libraires et les critiques, qui les voyaient comme un produit de masse comme un autre. C'est en 1948, que Richard Scarry, alors complètement inconnu, fait son apparition dans la maison en réalisant une double page publicitaire pour la collection. Il deviendra un des illustrateurs emblématiques de la collection. Leonard S. Marcus insiste aussi sur le lien entre l'industrie naissante du dessin animé et les petits livres d'or. En effet, de nombreux artistes travaillant pour Disney ou pour le studio concurrent Walter Lantz débarquent sur la Côté Est et sont introduits aux éditeurs des petits livres d'or. Parmi eux, le couple Alice et Martin Provensen, auteurs des "Color Kittens", ou encore Mary Blair dont l'empreinte et le style sont reconnaissables dans Alice au pays des merveilles ou Peter Pan de Disney.

Mais ce livre est vraiment plus qu'un livre d'histoire, car en plus d'être incroyablement bien documenté, il contient des interviews d'illustrateurs contemporains (Steven Guarnaccia parle de l'influence de Feodor Rojankovsky, William Joyce de celle de Garth Williams...) qui rendent un hommage émouvant à leurs aînés.On y trouve aussi de nombreux dessins, un nombre incalculables de couvertures et des documents photographiques rares qui montrent les auteurs au tavail!
Pour ne rien gâcher, le livre est préfacé par Eric Carle, l'auteur du besteller "La chenille qui fait des trous". 

Certains petits livres d'or ont été republiés en français ces dernières années par les éditions Deux Coqs d'Or, parfois avec une couverture et un format différent des éditions originales. Les anciennes éditions sont assez bien recherchées pour le style retro et le souvenir qu'elles évoquent aux parents ou grands-parents d'aujourd'hui.

"Golden legacy, How Golden Books won Children's hearts, changed publishing forever, and became an American icon along the way".
Leonard S. Marcus, Golden Books, Random House, 2007, 39.49 euros.

jeudi 20 juin 2013

Remy Charlip, chorégraphe de l'image.

Aujourd’hui, je vais vous parler de Remy Charlip, auteur ilustrateur américain, peu connu dans nos contrées francophones, mais dont le travail est peu à peu redécouvert grâce aux formidables éditions nantaises Memo.


Né en 1929 à Brooklyn dans une famille d’immigrés russes, Remy Charlip se tourne assez vite vers les disciplines artistiques, puisqu’il étudie le desing textile dès le lycée. Il entre ensuite à l’école des Arts décoratifs Cooper Union toujours à New York. Une deuxième voie s’ouvre à lui et c’est à la prestigieuse académie Juilliard qu’il apprend à danser. A 20 ans, il danse dans "les Mariés de la tour eiffel" de Jean Cocteau et dans "the only jalousy of emer" du poète anglais Yeats sur une partition musicale de Lou Harrisson, figure majeure de la musique expérimentale , qui deviendra son compagnon de vie durant de longues années. C’est grâce au compositeur que Remy Charlip fera la connaissance de l’avant-garde des années 50. Il rencontre notamment Merce Cunningham, avec qui il fonde une compagnie de danse toujours active aujourd’hui. (pour ceux qui ne connaissent rien à la danse Merce Cunningham est considéré comme le chorégraphe ayant opéré la transition entre la danse moderne et la danse contemporaine). A la même époque, il commence à collaborer avec le Black Moutain College, sorte d’Université expérimentale pré-hippie et multidisciplinaire qui a fait émerger des artistes comme le musicien John Cage ou le peintre Robert Rauschenberg. Remy Charlip prend part à cette aventure artistique particulièrement riche dans l’histoire de l’art américain. Leur crédo est l’expérimentation, et la fusion totale entre l’art et la vie. A cette même époque naît l’expérience du Living theatre en réaction aux théâtre formaté joué sur Broadway. Remy Charlip signe la première chorégraphie pour la troupe.

 C’est à peu près à la même période qu’il commence à publier des livres pour enfants. Il en a publié une trentaine, certains sont devenus de vrais classiques aux Etats Unis. Je ne vais évidemment pas pouvoir parler de tous ses livres, je vais donc me concentrer sur ceux qui ont été traduits en français
"Ou est qui ?" , est un assez mauvais titre en français, puisque le titre original est "Where is everybody". Le livre est constitué d’une suite de plans fixes dont les éléments changent à chaque page, apparaissent à tour de rôle un oiseau, le soleil, des montagnes, une rivière, un poisson qui composent un grand paysage, qui occupe la double page. Mais les nuages s’amoncellent et la pluie tombe, tout et tous disparaissent, mais où sont-ils ? Un livre en forme d’énigme au graphisme plus que minimaliste qui s’adresse aux tout petits. De par son expérience de chorégraphe, Remy Charlip envisage le livre comme une scène de théâtre, au fil des pages, il dévoile ce qui était caché, il cache autre chose, il crée la surprise, organise l’entrée en scène de l’élément suivant.

"Déguisons-nous", raconte en très peu de mots, la fête improvisée d’enfants qui décident de se déguiser et recyclent des objets de leur quotidien pour se transformer. Cet album fait écho à la création, par l’auteur, des Paper bag Players, une compagnie de théâtre pour enfants, toujours active aujourd’hui, qui veut stimuler la créativité des enfants en imposant l’improvisation et l’introduction d’objets de la vie de tous les jours dans les spectacles.

 "Heureusement", est son besteller, c’est un livre que tous les petits américains connaissent. Pour vous donner une idée du succès, depuis 2006, il s’en est vendu plus de 100 000 exemplaires.
 
 On va de catastrophes en surprises, dans une suite de rebondissements des plus farfelus. C’est un livre qui fonctionne évidemment sur la répétition et l’alternance des pages colorées et des pages en noir et blanc. Le propos est simple, mais n’est pas sans évoquer le contexte politique et social des années 60 aux Etats-Unis. Le livre se veut la métaphore d’une époque en dents de scie, c’est à la fois l’élection de Kennedy qui redonne de l’espoir à une partie des américains, c’est aussi la guerre du Vietnam, les émeutes raciales, etc… Paradoxalement, les années 60 représentent l’âge d’or de l’album jeunesse aux Etats- Unis, émergent à l’époque des auteurs comme Maurice Sendak, Tomi Ungerer, André François, Margaret Wise Brown (l’auteur de "Bonsoir lune", qui a aussi collaboré avec Remy Charlip), la plupart sont publiés chez Harper and Row, maison dirigée à l’époque par Ursula Nordstrom à qui la littérature jeunesse doit beaucoup. Le livre jeunesse devient un véritable espace de création, tout ou presque y est permis, et Remy Charlip fait partie de cette génération qui a profité de cette ère de liberté dans le livre pour enfants.


 Remy Charlip est décédé le 14 août 2012 à l’âge de 83 ans, il n’a jamais cessé de créer que ce soit des livres pour enfants ou des chorégraphies. Il y a pour lui un lien fondamental entre la chorégraphie et le livre d’images. Deux formes de création qui comme la bande dessinée ou le théâtre ont en commun la capacité d’être transformées, mises ne boucle, coupées et réorganisés. Ces deux mondes étaient intrinsèquement reliés pour lui. Il aimait dire qu’il chorégraphiait en images. Son projet "Reading dance" en est le résultat concret : une série de dessins représentant un personnage sans visage lisant un livre dans un fauteuil dans différentes positions. Le lecteur devient danseur, la lecture est elle-même chorégraphiée. Il en tire une performance qu’il réalisera à Paris avec certains de ses amis danseurs, on y voit un vieux bonhomme un livre la main, exécutant d’étranges figures dans un fauteuil. Il dessinait aussi des chorégraphies qu’il envoyait à des compagnies de danse à l’étranger, ils les appelaient les "Airmail dances".

 
 Grâce à l’action de passionnés comme Elisabeth Lortic des éditions des Trois Ourses, ou Christine Moreau de Memo son travail a été redécouvert en France, et certains de ses livres ont été traduits pour la toute première fois. En 2004, il confie à l’illustrateur Erik Dekker son dernier projet de livre qui s’intitule "Rien" où il se moque de la vacuité de la publicité télévisée. Un dernier livre donc, plein de fantaisie, mais qui fait le constat d’une société qui a changé, bien différente de celle dans laquelle Remy Charlip a évolué. Remy Charlip a connu une vie bien remplie dévouée à ses passions, danse et illustration!

Voici la liste des titres disponibles en français :

"Où est qui", Remy Cahrlip, Memo
"Déguisons-nous", Remy Charlip, Memo
"Heureusement", Remy Charlip, Memo
"Rien", Remy Charlip & Erik Dekker
"Maman, Maman, j'ai mal au ventre", Remy Charlip & Burton Spree
"On dirait qu'il neige", Remy Charlip, les Trois Ourses
"Mon chat personnel et privé spécialement réservé à mon usage particulier", Remy Charlip & Sandol Stoddard, Memo
"Une chanson pour l'oiseau", Remy Charlip & Margaret Wise Brown, Didier jeunesse

vendredi 14 juin 2013

Oyvind Torseter le trait avant tout!

On avait déjà été intrigué par "Mr Random" publié en 2002 au Rouergue. Un album en forme de rêve éveillé peuplé de personnages aux têtes d'animaux. Ce n'est qu'en 2009 qu'on a retrouvé  avec bonheur cet auteur-illustrateur norvégien avec le livre "Détours" paru aux éditions genevoises de la Joie de Lire. Un album au dessin très original, élégant mais tordu, qui a remporté un prix au prestigieux Salon du livre de Bologne. On a su qu'il fallait compter sur ce norvégien au nom imprononçable tant l'univers qu'il déployait était puissant. Et 2013 est l'année Torseter avec deux livres parus respectivement à La Joie de Lire et chez Cambourakis. Deux albums finalement assez différents, tant sur le plan narratif que sur le plan visuel.



"Le trou" est un album concept, qui comme son titre l'indique est percé d'un petit trou qui traverse le livre.
On assiste au déménagement du  héros, un homme affublé d'une tête animale, qui arrivé dans son appartement découvre un trou dans le mur, mais au fil des pages le trou se déplace, et Torseter reconstruit les images autour de lui.Vite obsédé par l'existence du trou, notre héros appelle un centre de recherches scientifiques qui examinera le trou sous toutes les coutures. Les premières pages du livre sont impressionnantes au niveau de la construction, et chaque page est réellement un rebondissement, car ce trou qui nous semble immobile n'arrête pas de se déplacer dans le décor. La deuxième partie de l'histoire est un peu moins intéressante, on ne comprend pas très bien l'intervention de ses scientifiques, tant le huis clos dans l'appartement fonctionne! C'est néanmoins un livre à acquérir pour son originalité et sa très belle réalisation. Saluons pour cela La Joie de Lire qui nous épate d'année en année.

"Pourquoi les chiens ont la truffe humide" est un conte étiologique (lorsqu'une histoire, orale ou écrite, a pour but de donner une explication imagée à un phénomène ou une situation dont on ne maîtrise pas l'origine) signé Kenneth Steven et illustré par Oyvind Torseter. Le récit commence il y a très longtemps sous une très fort pluie...Heureusement un homme du nom de Noé construisit un bateau pour que puissent s'y réfugier hommes et animaux. Tout le monde embarqua à bord, même le chien de Noé qui traînant la patte monta le dernier. Au cours du voyage, un trou (encore un) apparut dans la coque du navire, heureusement Noé n'était pas à court d'idées et utilisa la truffe de son chien adoré pour boucher le trou! C'est depuis lors, depuis l'Arche de Noé, que les chiens ont la truffe humide! Kenneth Steven nous offre relecture décalée de l'Arche de Noé, on est bien loin du récit biblique. Le ton de l'album est vraiment particulier et a un côté humoristique dans le bon sens du terme. Les dessins au trait de Oyvind Torseter sont subtils et vraiment drôles et contrairement aux autres albums du norvégien, on sent qu'ici il s'adresse principalement aux enfants. Les grandes doubles pages où l'on voit les animaux à l'intérieur du bateau sont surprenantes, il y a plein de détails à observer, du cerf DJ, en passant par le rhino guitariste, le tigre dévoreur de livres et j'en passe... La finesse des illustrations de Torsteter est accompgnée d'une mis en couleurs parcellaire mais efficace avec des encres presque fluos! Un album qu'on vous recommande pour les petiots dès 5 ans!






samedi 25 mai 2013

André François, "l'épreuve du feu".


André Farkas naît en 1915 à Timisoara. Après des études aux beaux-arts de Budapest, il quitte la Hongrie pour Paris, ville aimant pour les artistes. Il commence par travailler auprès de Cassandre, grand affichiste français d’origine ukrainienne, influencé par l’école du Bauhaus. Cassandre s’intéressait beaucoup à la typographie, il créa notamment les polices Bifur et Acier. C’est aussi lui qui créera le logotype d’Yves Saint Laurent. André Farkas apprend beaucoup dans cet atelier, c’est vraiment là qu’il découvre la communication visuelle qu’il pratiquera pendant plus de 60 ans. En 1939, il est naturalisé français et prend "François" comme nom d’artiste. Pendant la guerre il collabore à différents journaux satiriques.  C’est en 1947, qu’il commence à travailler pour Punch, un journal satirique anglais à la longévité impressionnante, puisqu’il a été publié de 1841 à 2002. Il y fait du dessin d’humour. Une compilation de ses dessins paraît aux USA dans les années 50, sous le titre "The tattoed sailor, cartoons from France". L’élément Made in France semble avoir son importance, même si ces dessins ont été réalisés pour un hebdomadaire anglais, la touche française fascine les américains. Et André François a la côte aux USA. Il sera un important collaborateur du New Yorker, comme un certain William Steig dont je vous ai parlé il y a quelques mois. Il réalisera de nombreuses couvertures essentiellement entre 1960 et 1990. (trente ans de présence dans un magazine aussi prestigieux c’est pas mal) Son talent de faiseur d’images est apprécié aussi en France, puisqu’en 1952, il publie un album pour enfants avec Jacques Prévert :"Lettres des îles Baladar". Ce livre est un pamphlet anticolonialiste réalisé à quatre mains par les deux compères. Pendant la genèse du projet, les deux hommes se voyaient deux fois par semaine à Paris. Prévert inventait un bout d’histoire qu’il soumettait à André François, qui imaginait alors quelques images, de là Prévert écrivait un texte définitif. Un véritable échange s’opère entre les deux artistes, aux jeux visuels d’André François, répondent les jeux de mots de Prévert. 

 L’histoire raconte comment Baladar, une île heureuse est soudain envahie par le Grand Continent, qui compte bien profiter des ressources de l’île, et surtout de son or !!! Le récit fait bien sur allusion aux dérives du colonialisme sur un ton apparemment léger, mais rien n’y et épargné. Il évoque l’exploitation des indigènes, le vol des ressources naturelles, la destruction de l’environnement et les répressions parfois sanglantes. Ainsi l’actualité politique se glisse dans les pages de l’album, rappelons qu’en 1952, la France est en pleine guerre d’Indochine, et l’insurrection malgache de 1947 n’est pas si loin. A une époque où les livres pour enfants étaient plutôt complaisants par rapport au colonialisme , et du genre à encourager les clichés sur les populations colonisées (cf : Tintin au Congo, ou Babar en voyage), Prévert et François choisissent un singe comme héros. "Quatre mains à l’ouvrage", c’est le nom de leur personnage (en référence à leur collaboration) est un singe balayeur de rue immigré..Un beau pied de nez aux clichés racistes qui comparent les noirs à des primates !! Les dessins d’André François ont un coté vraiment très lâché, en les voyant je pense toujours aux dessins d’enfants, il y a un côté assez plat, il fait fi des perspectives. Les corps sont souvent déformés et désarticulés, les décors réduits à leur plus simple expression. Et puis il a un sens inné de la composition, ce qui l’a aidé dans un de ses nombreux métiers : la publicité.

Déjà mis sur les rails par Cassandre, c’est Robert Delpire qui va lui confier les plus grandes campagnes publicitaires de sa carrière. Robert Delpire est un grand éditeur et un sacré dénicheur de talents. Il a révélé au grand public des photographes tels que Brassaï, Cartier-Bresson ou Lartigues. Il a publié en France le livre "les américains" de Robert Franck. Il a créé la collection photopoche avec l’envie de démocratiser l’accès aux livres de photo. Il y publie aussi André François et Saul Steinberg, dans une sous-collection dédiée aux illustrateurs. Il édite plusieurs albums d’André François dont les fameuses "Larmes de crocodile".Lui et sa femme, la photographe Sarah Moon sont de grands amis de l’artiste. C’est avec lui qu’André François développe une campagne publicitaire pour Citroën. On retient surtout cette très belle image pour les 2CV, qui lui vaudra plusieurs récompenses internationales. On y reconnaît son goût pour les associations. Ses affiches publicitaires témoignent aussi d’une certaine liberté qui était donnée aux artistes à l’époque.  En 1966, André François réalise une campagne pour un laboratoire pharmaceutique. 45 ans plus tard, ces images deviennent un livre sous l’impulsion de Robert Delpire. Ce sont "Les rhumes". Ce livre est une sorte de bestiaire des différentes espèces de rhumes, puisque le rhume serait un petit animal, qui contrairement au mammouth ou au chienoptère aurait survécu jusqu’à aujourd’hui, mais pourquoi ? C’est ce qu’André François tente de nous expliquer. "Un rhume s’attrape facilement. Mais quand on a le choix on préfère ne pas en attraper. C’est pourquoi, il y a toujours énormément de rhumes. " Ce petit livre à l’humour décalé est parsemé de différents rhumes (rhume des foins, de cerveau, gros rhume, rhume de rien du tout), qui prennent vie sous le pinceau de l’artiste. Il les dessine directement à l’encre, ce qui leur donne un contour un peu flou. 

André François était aussi peinte et sculpteur, après un passage en Bretagne, il commence à sculpter avec du bois flotté et toutes sortes de matériaux de récupération. Il expérimente toutes les techniques, il travaille de manière complètement décomplexée, il touche à tout, il essaie, il s’amuse. Son oeuvre est multiple, elle revêt différentes formes.

André François n’a jamais cessé de travailler, sauf entre le 20 décembre 2002 et le 20 mars 2003. La nuit du 19 décembre son atelier est ravagé par un incendie, toutes ses oeuvres partent en fumée. André François accumulait tout, il ne vendait rien, ses originaux, ses peintures, ses sculptures, sa correspondance étaient empilés dans l’atelier au fond de son jardin. Il ne reste rien ou presque après la terrible épreuve du feu. L’artiste est en état de choc et doit être hospitalisé. Il rentre chez lui, et avec l’aide de sa famille il tente de sauver les quelques dessins encore ensevelis sous les décombres. 3 mois après l’incendie, il se remet au travail avec une rage créatrice peu commune pour un homme de 88 ans. En mars 2004, une exposition lui est consacrée au Centre Pompidou, il y présente 60 nouvelles oeuvres toutes réalisées après l’incendie ! André François s’éteint en avril 2005. Il laissera derrière lui une oeuvre incroyablement riche et diverse. Quelques mois après sa mort, un hommage lui est rendu sous la forme d’une exposition rassemblant plus de 45 illustrateurs souhaitant témoigner de leur admiration au maître. (on peut citer Quentin Blake, Beatrice Alemagna, Tomi Ungerer, Philippe Dumas, Claude Ponti)
Heureusement les livres subsistent, "les larmes de crocodile" est toujours édité, ainsi que les rhumes chez Delpire. Le "petit Brown" a été récemment traduit en français par les éditions Memo. "Les lettres des îles Baladar" avec Prévert est disponible chez Gallimard.  Je vous recommande d’écouter l’interview de Robert Delpire et Sarah Moon enregistrée en 2004 dans laquelle ils parlent de leur ami et du choc terrible qu’il a subi après l’incendie de son atelier. Sarah Moon a aussi réalisé un film documentaire ;"André François l’artiste".