Quelqu'un a merdé, textuellement.
Il n'y a pas d'autres mots pour décrire le nouveau livre de William Henne, Songes (reliefs).
Loin d'être une compilation de rêves insensés et abscons, ce livre révèle un peu mieux la nature particulière de cet auteur.
Au large de l'autobiographie geignarde et complaisante en vogue, W. choisit une manière bien plus aride pour nous raconter ce qui le constitue.
L'événement est tu, pourtant. L'évènement est Je. Ce Je qui change à chaque chapitre, cette forme mouvante et souple, schizophrène, en somme presque incohérente. William Henne s'est toujours défendu d'être un auteur avec du style. Il ne fixe jamais son graphisme dans tel ou tel genre, non. C'est d'ailleurs ce qui m'a longtemps trompé sur la qualité de son œuvre, en grand formaliste que je suis. J'ai toujours trouvé du baclé chez W.. Et oui, c'est baclé, le souci du détail fait défaut, le malfoutu perçe à maints endroits, les dessins ne sont pas "beaux", quelles que soient les capacités graphiques de W., évidentes. Et au-delà, et au-dessus, une omniprésente structure, héritée du moderne, dans tout les livres de W.
Personnellement, je pensais que cette structure fonctionnait à vide, parfois.
J'ai eu tort, bien sûr. J'étais dans l'angle mort du batîment. Un ami m'a montré que je pouvais envisager une autre perspective, plus vertigineuse... placé d'où j'étais je voyais un ouvrier doué, courageux mais surtout soucieux d'avancer dans sa tâche.
Maintenant, dans l'état, cet ouvrier s'est transformé en auteur vaillant qui couvre son secret des formes subtiles de la tautologie, du palindrome et de la mise en abîme.
Cette abîme qui l'a fait lâcher prise, cette ouverture au sein de l'enfance qui le fonde sans doute autant qu'elle le sape,
il nous la livre aujourd'hui dans un livre qui marque peut-être un tournant dans son oeuvre.
Faut-il pénétrer les choses pour les comprendre? Ou faut-il le faire pour les posséder?
Je prétends qu'il faut surtout les regarder attentivement et les décrire patiemment.
Une lecture de ce livre intense et juste me renforce dans cette intime conviction.
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